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Nicotine à l’adolescence : des dommages cérébraux à ne pas sous-estimer

Tabagisme précoce : comment la nicotine impacte le développement des circuits cérébraux dopaminergiques

Le tabagisme est un fléau qui continue de faire des ravages en France, en étant la première cause de mortalité évitable. Malgré les mesures de lutte mises en place, près d’un adolescent sur deux a déjà expérimenté le tabac en 2022. Une équipe de chercheurs de l’unité Neurosciences Paris Seine, dirigée par Philippe Faure, s’est intéressée à comprendre pourquoi commencer à fumer tôt est un facteur de risque de dépendance ultérieure et de consommation d’autres drogues.

Les conséquences du tabagisme précoce

Le tabagisme précoce est un véritable problème de santé publique en raison de ses conséquences sur le long terme. En plus d’augmenter le risque de dépendance au tabac tout au long de la vie, il a également été associé à un risque accru de troubles anxieux, de dépression et de consommation problématique d’autres drogues telles que l’alcool. Mais comment la nicotine, principale substance présente dans le tabac, affecte-t-elle concrètement le cerveau des adolescents ?

Une étude sur des souris pour comprendre les mécanismes biologiques

Pour répondre à cette question, les chercheurs ont mené une étude sur des souris en se concentrant sur le développement des circuits cérébraux dopaminergiques. Ces circuits, impliqués notamment dans la motivation et l’apprentissage, subissent une croissance et un remodelage très importants pendant l’adolescence. Or, la nicotine agit directement sur les neurones composant ces circuits.

Les chercheurs ont ainsi observé que chez les souris exposées à la nicotine pendant l’adolescence, il y a un gel du développement de ces circuits cérébraux dopaminergiques qui persiste à l’âge adulte. De plus, leurs expériences montrent qu’il existe deux sous-réseaux dopaminergiques distincts, avec des réponses différentes en cas de stimulation par la nicotine : l’un provoque un effet « renforçant » (augmentation de l’appétence pour la substance) et l’autre induit un comportement anxieux. Chez les souris adultes, ces deux sous-réseaux sont équitablement activés lors de la première consommation de nicotine. En revanche, chez les souris exposées à la nicotine pendant l’adolescence, un déséquilibre persiste à l’âge adulte, avec une prédominance de l’activité du sous-réseau provoquant l’effet renforçant.

Les conséquences du tabagisme précoce sur le cerveau

Les résultats de cette étude montrent que l’exposition à la nicotine pendant l’adolescence fige les circuits dopaminergiques dans un état immature, avec un déséquilibre persistant à l’âge adulte. Cela signifie que l’effet renforçant de la nicotine reste plus important que l’effet anxiogène, ce qui peut expliquer pourquoi les jeunes sont plus sensibles à l’attrait de la nicotine.

Les chercheurs souhaitent maintenant poursuivre leurs travaux pour étudier les conséquences comportementales à long terme de ce gel des circuits dopaminergiques et l’effet d’autres drogues sur ces circuits.

Lauren Reynolds est post-doctorante dans l’équipe Neurophysiologie et comportement codirigée par Philippe Faure et Alexandre Mourot, chercheur Inserm, désormais installée au laboratoire Plasticité du cerveau de l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris.

Sources

L. Reynolds et coll. Transient nicotine exposure in early adolescent male mice freezes their dopamine circuits in an immature state. Nat Commun, 18 octobre 2024 ; DOI : 10.1038/s41467-024–53327‑w

Cet article a été adapté à partir de contenus publiés par l’Inserm. Retrouvez l’article source et l’ensemble des références sur le site de l’Inserm.

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