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Infections chroniques : ce que nous apprend la brucellose

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Les mécanismes d’échappement de la bactérie Brucella abortus révélés par une équipe de chercheurs marseillais

La brucellose, une maladie causée par la bactérie Brucella abortus, est un problème de santé mondial qui peut être transmis à l’homme par contact avec des animaux infectés ou par ingestion de produits contaminés. Cette bactérie peut également être utilisée comme arme biologique. Malgré les risques qu’elle représente, il n’existe pas de vaccin efficace pour la prévenir et les traitements antibiotiques sont souvent inefficaces contre la forme chronique de la maladie. C’est pourquoi une équipe de chercheurs marseillais a mené des recherches approfondies pour comprendre les mécanismes qui permettent à la bactérie de persister dans notre organisme en échappant à notre système immunitaire.

Un environnement immunitaire propice à la survie de la bactérie

Selon Sylvie Mémet, chercheuse à l’Inserm et membre de l’équipe dirigée par Jean-Pierre Gorvel, expert mondial de la brucellose, la bactérie Brucella abortus est capable de coloniser les cellules de la rate, des ganglions lymphatiques et de la moelle osseuse. Cependant, les mécanismes précis de son échappement au système immunitaire n’étaient pas encore connus. Grâce à des recherches approfondies menées en collaboration avec plusieurs laboratoires étrangers, les scientifiques ont découvert que l’omentum, un tissu situé dans l’abdomen, joue un rôle crucial dans la persistance de la bactérie. En effet, Brucella infecte rapidement les macrophages présents dans ce tissu et parvient à s’y maintenir. Ces cellules immunitaires sont normalement chargées de détruire les bactéries, mais dans le cas de Brucella, elles expriment des molécules immunosuppressives à leur surface, telles que PD-L1 et Sca-1. De plus, l’infection par la bactérie entraîne le recrutement d’autres types de cellules immunitaires dans l’omentum, comme les neutrophiles et les monocytes, qui produisent également des facteurs immunosuppresseurs. Ainsi, l’environnement immédiat de la bactérie devient favorable à sa survie en neutralisant l’activité antibactérienne des cellules immunitaires.

Des perspectives thérapeutiques prometteuses

Les chercheurs ont également découvert que les lipopolysaccharides (LPS), des composants de la membrane de la bactérie, jouent un rôle crucial dans son échappement au système immunitaire. La structure unique de ces LPS permet à Brucella d’échapper à certains acteurs de l’immunité innée, de recruter des cellules immunitaires dans l’omentum et d’induire l’expression de facteurs d’immunosuppression. De plus, des analyses sanguines ont montré que les patients atteints de brucellose chronique présentent des niveaux élevés de l’IL-1RA et une surexpression du gène PD-L1, confirmant que ces mécanismes d’échappement immunitaire sont similaires chez la souris et chez l’homme. Ces découvertes ouvrent la voie à de nouvelles perspectives thérapeutiques, car IL-1RA et PD-L1 sont déjà ciblés par des médicaments utilisés dans le traitement d’autres maladies. Des essais cliniques pourraient donc rapidement être menés pour évaluer l’efficacité de ces médicaments contre la brucellose. De plus, ces mêmes cibles moléculaires pourraient être exploitées pour développer des vaccins contre la maladie. Enfin, cette étude pourrait également avoir des implications dans le domaine du cancer, car l’IL-1RA et PD-L1 sont également présents dans le microenvironnement des cellules cancéreuses. Comprendre et cibler ces mécanismes pourrait donc conduire à de nouvelles stratégies d’immunothérapie contre le cancer.

Sylvie Mémet est chercheuse Inserm dans l’équipe Immunologie et biologie des interactions hôte pathogène dirigée par Jean-Pierre Gorvel au Centre d’immunologie de Marseille-Luminy (CIML, unité 1104 Inserm/CNRS/Aix-Marseille Université), à Marseille.

Sources

Cet article a été adapté à partir de contenus publiés par l’Inserm. Retrouvez l’article source et l’ensemble des références sur le site de l’Inserm.

J. Pellegrini et coll. Brucella abortus impairs T lymphocyte responsiveness by mobilizing IL-1RA-secreting omental neutrophils. Nature Comm, 20 janvier 2025 ; doi : 10.1038/s41467-024–55799‑2

 

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